MATHIEU KAHN A DISPARU
Seules trois personnes l'ont vu récemment.
Son frère. Son médecin. Un commerçant du coin.
Depuis, la police le cherche.

Détail important : Mathieu Kahn est aveugle.

À LIRE AUSSI (Atelier de St Sever)

ATELIER D'ÉCRITURE DE SAINT-SEVER

Le 27 février 2021, en parallèle de l'enquête sur la disparition de Mathieu Kahn, se tenait aussi un atelier d'écriture à St Sever, cette fois réservé aux adultes. 

Voici les textes qui ont été rédigé avec une belle énergie par les participants.

 


 

Comme tous les lundi matins

 

par Isabelle Babet

 

Comme tous les lundi matins, Paulette commence la séance ménage. Elle vient juste de finir la vaisselle du petit-déjeuner - il n'y avait pas grand-chose. Michel a la mauvaise manie de laisser traîner tout un tas d'objets tous plus hétéroclites les uns que les autres sur le buffet. C'est ce genre de choses qui exaspère Paulette. Elle supporte de moins en moins Michel et ses élucubrations péremptoires.

 

Il est 8h pile. Michel est parti à la salle de bain. Paulette se met à faire les poussières. Il y a quand même longtemps qu'elle ne les avait pas faites. Le reste du ménage, l'aspirateur, la vaisselle, passe encore mais les poussières! Ça la dégoûterait presque! Mais là, elle a décidé de les faire. Comme si elle voulait inconsciemment dépoussiérer sa vie. Surtout ce vieux chandelier. Il ne ressemble plus à rien sous cette couche de poussière et ses dégoulinades de bougie séchée. Pourtant il était beau avant.

 

Elle le prend dans ses mains. Elle repense à Mamie Eugénie à qui il appartenait. Oh ! là ! là ! qu'est-ce qu'elle dirait Mamie de la voir comme ça, maintenant,  elle,  sa petite Paulette. Elle garde le chandelier dans ses mains et se demande pourquoi elle a accepté pendant si longtemps toutes les remontrances de Michel. Mamie Eugénie. C'est comme si elle était là près d'elle, comme si elle lui disait de ne pas se laisser faire et de répondre à Michel. Il n'a pas le droit de lui parler comme il le fait. Il n'a pas le droit de la priver de cet argent. Il faut qu’elle lui dise. Cet argent, il est à elle.

 

Alors, elle va dans le couloir. Elle crie : “Michel! Michel !” Elle va lui dire tout ce qu'elle a sur le cœur. Et elle en a gros sur le cœur ! Michel sort de la salle de bains et lui répond de cette voix nasillarde et insupportable : “Mais quoi ! quoi ! Je ne peux même pas me brosser les dents tranquillement ! Qu'est-ce que tu veux encore ?”.  Et là, Paulette, qui a gardé le précieux chandelier dans la main, se jette sur Michel et de toutes ses forces, elle le frappe à la tête. Ah ! Il ne l'avait pas vu venir celle-là ! Et elle frappe, frappe, frappe encore et encore. Elle sue à grosses gouttes. Et maintenant voilà qu'elle se met à rire,  à rire,  à rire de plus en plus fort. Il faut dire qu'il l'a bien cherché Michel ! 

 

Maintenant il ne pourra plus lui reprocher quoi que ce soit !

 

 

 

 

À la fin de l’été

par Bernard Castets

 

A la fin de l’été, comme tous les ans, son bois transpire. C’est l’époque où les larves de chenilles éclosent dans cette douce humidité. Mais là, l’armoire sue bien plus que les autres années. Elle savait que son bois coupé sous Louis XIII allait supporter de moins en moins ces changements de saisons. Elle décide alors que c’est maintenant qu’il faut agir. Elle ne voulait pas brûler avant l’acte ultime, la vengeance totale, la victoire du végétal sur l’animal, fût-il l’homme ! Ou la femme comme il fallait l’inclure aujourd’hui. Il n’a jamais été indiqué qu’assassiner les femmes était proscrit, que diable !

Le meuble n’avait jamais pardonné à cette famille ce divorce qui l’avait éloigné de sa forêt natale de Cheaumont. Elle avait déjà éliminé tout le monde grâce aux complicités mutuelles qu’il y a dans le règne végétal. Il ne restait plus aujourd’hui que la vieille Léoncia et son facteur de neveu, d’Aurillac, seul héritier de ‘’Mamouille’’. La ‘’bretonne’’, comme on dit ‘’franc comtoise’’ pour les pendules, avait décidé que la fin de l’histoire était maintenant.

Elle fait frémir un des billets de 50€ de la vieille. Ils étaient tout neufs, sortis de la Poste. Deux jeunes chenilles unissant leurs forces, le glisse au travers d’une fente de l’ajustage du tiroir de droite. L’humidité n’avait aucune incidence sur le mauvais platane des tiroirs. Ces maudits tiroirs, coulissants comme des membres reproducteurs. Ils en tiraient une prétention ridicule, eux qui n’avaient vécu qu’au bord de routes poussiéreuses. Le merisier tricentenaire de la « bretonne », lui en revanche, avait vu l’Histoire. Il négocie sournoisement avec les tiroirs la promesse d’une vie d’éternité, là, à son abri, en échange d’un service. Leur stupidité était bien connue de toute l’armoire. L’idée de rester dur indéfiniment les faisait se rengorger de suffisance.

Se ramollissant aussitôt, le tiroir de droite quitte ses coulisses et grimpe le long de la porte poussée par le tiroir de gauche. De membrure en ferrure, de ferrure en membrure, il arrive à l’étagère du haut, où il se vide entièrement, tout au fond, à gauche puis revient délesté à sa place. Il s’y redurcit aussitôt, fier comme Artaban, comme l’avait déjà fait le tiroir de gauche.

La vaisselle qui n’avait jamais vu un tiroir mou est muette de sidération. C’est cet inhabituel silence qui fait que Léoncia sursaute sur sa chaise. Le seul bruit est alors celui du crissement du billet à terre sous ses vulgaires charentaises d’importation. Toute la vaisselle pousse un cri de frayeur à l’ouverture de la porte laissant passer la lumière blafarde du néon de la vieille. Elle se précipite sur le tiroir de droite et le découvre vide, sec, désert, nettoyé. Alors elle crie, elle pleure, elle hurle, elle gémit … Mon argent ! Mon argent ! Mon argent !

Ce n’est que dressée au maximum sur ses frêles pointes des pieds, son bras noueux et décharné étiré de tout son long qu’elle a enfin touché son trésor après avoir fouillé l’armoire de fond en comble : saucière, pot à sucre, boîte à bonbons, tout y passe. Et comme l’avait prémédité le meuble, la porte de droite se rabat brusquement sur cet escabot que le médecin lui avait dit de sortir de la maison ...

Par effet de capillarité, le sang qui sortait de l’oreille gauche de ‘’Mamouille’’ remontait dans le bois qui devient pourpre, sang de bœuf donnant à l’armoire une couleur pourpre, effrayante …

Marc, appelé par le notaire, explique aux enquêteurs de la BRI comment vivait sa vieille tante. Il prend une chaise, s’assoie devant l’armoire, de dos, comme le faisait Léoncia. Aussitôt, la grosse ‘’bretonne’’, chargée de vaisselle, s’affaisse brusquement sur ses deux pieds avant et quitte le mur d’appui, ne laissant aucune chance ni à Marc, ni à la chaise.

            Les enquêteurs ont classé l’affaire. Ils ont eu ordre de ne rien dévoiler de ce à quoi ils venaient d’assister, impuissants. La société de consommation, leur a-t-on dit, aurait été trop déstabilisée si on avait eu vent de cette attaque suicide des objets, et en faisant fi de la présence de témoins !

Bernard Castets.

 


Qu’est-ce qu’il est grand ! 

par Élisabeth Tauzin

 

« Qu’est-ce qu’il est grand ! Et lourd ! Il pèse un âne mort », pense-t-elle en le posant sur le seuil de la salle à manger.

Il ? Le tableau en mosaïque qu’elle vient d’achever. Une explosion de couleurs, un mélange qu’elle juge harmonieux et qui vient rejoindre ses nombreuses réalisations.

Elle souffle, inspire, soupire, prend son courage et son œuvre à deux mains et avance jusqu’au milieu de la pièce.

Plume arrive aux nouvelles. Elle se frotte langoureusement à ses jambes, agit de même envers le tableau, l’inspecte d’un museau circonspect et, une fois sa curiosité assouvie, repart pour des aventures plus distrayantes, sa queue touffue dressée tel un fier étendard.

Elle regarde autour d’elle, inspecte les murs déjà surchargés de réalisations diverses – tissages, macramé, aquarelles – et se demande où elle va bien pouvoir l’accrocher. Ca y est, elle a trouvé l’emplacement parfait. Mais est-ce bien raisonnable de suspendre un panneau aussi massif. Le vieux mur de cette maison, doublement centenaire, va-t-il résister ? Et si tout s’écroulait sous le poids de l’art ? Elle en est là de ses interrogations, lorsque la sonnette retentit.

Agacée par une telle interruption dans le cours de ses réflexions, elle le laisse par terre, à côté du radiateur et va ouvrir.

Son agacement cède la place au ravissement. Un beau jeune homme est là, souriant de toute une dentition aveuglante de perfection.

« Comment se fait-il que certaines personnes semblent avoir plus de dents que le commun des mortels ? », se demande-t-elle aussitôt. Elle chasse vite cette pensée qu’elle a déjà eue maintes fois pour se concentrer sur l’objet (le bel objet) de sa visite.

« Bonjour madame. Je me présente : Erwann Duru, agent immobilier pour Stéphane Plaza. Nous prospectons dans le quartier et proposons une évaluation gratuite des biens.

 Je ne veux pas vendre ma maison.

— Je comprends. Cependant, si vous veniez à changer d’avis, il peut être intéressant – et même nécessaire – que vous ayez une idée de la valeur de votre logement.

— Oh ! Vous savez, il a surtout une valeur sentimentale car il me vient d’un héritage.

— Certes, je ne peux pas estimer la profondeur de vos sentiments. »

Elle ne répond pas, déroutée par la fin de sa phrase, qui l’entraîne dans un autre registre, très éloigné des biens fonciers. Un petit silence s’insère entre eux, comme un malaise, une gêne difficile à surmonter. L’agent se méprend, croit qu’elle a peut-être peur. Déduit qu’elle vit seule. Décide de montrer patte blanche, en l’occurrence sa carte « officielle » - si l’on peut dire – d’agent immobilier.

Il ajoute :

« Cela ne vous prendra que quelques minutes. Permettez-moi … »

Il ne finit pas sa phrase, laissant les points de suspension agir comme autant d’incitations à le faire rentrer chez elle.

Elle accepte, poussée par la curiosité.

Il frotte ses chaussures très consciencieusement sur le premier paillasson extérieur, puis sur le deuxième dans le couloir.

« Merci, dit-il, de me faire confiance. »

Ce dernier mot l’a faite frémir. A-t-elle eu raison de la lui accorder ?

Il poursuit :

« Je vois que c’est une vieille maison… »

Elle tique en entendant l’emploi de cet adjectif. Il ne voit pas le léger froncement de sourcils.

Il continue :

« Ces vieilles villas ont un charme fou. »

Elle pince les lèvres. « Il insiste, le bougre. On ne leur apprend pas, dans leurs écoles de commerce, à utiliser des mots plus flatteurs ? « Ancienne » ou même « vénérable » auraient mieux sonné à mes oreilles que ce « vieille », qu’il répète en plus. »

Elle le précède, lui montre la cuisine.

« Ah ! C’est tout petit, mais chaleureux », s’empresse-t-il d’ajouter, ayant surpris son regard soudain aigu.

Elle continue par la salle de bains. 

« Vous n’avez pas de douche à l’italienne ? ». Non, fait-elle de la tête. Il voit bien qu’à la place d’une douche macaroni, elle possède une belle baignoire à pattes de lion.

Elle poursuit par les chambres à propos desquelles il ne trouve aucun commentaire et finit par le séjour. 

« Vous avez beaucoup de bibelots », lui lance-t-il. Des bibelots, ses œuvres d’art ? Elle manque s’étrangler d’indignation.

« Alors, qu’en pensez-vous ?, lui demande-t-elle séchement.

— Il me faudra un peu de temps pour estimer tout ça. De l’extérieur, ça paraissait plus grand. Et puis, je ne pensais pas que vous n’aviez qu’un W.C et pas de douche à l’italienne. »

« Encore, pense-t-elle. Il insiste. »

« Au jour d’aujourd’hui (oh ! Quelle expression idiote tant elle est redondante) au jour d’aujourd’hui donc, disais-je, on aime les grands espaces ouverts, la circulation libre, non entravée, la cuisine qui donne sur la salle à manger. Il faudrait casser les cloisons, abattre ce mur-là et celui-là aussi… »

Il lui tourne le dos pour voir ce qui pourrait bien encore être jeté à terre.

Elle ne le voit plus. A sa place, il y a une sorte de nuage rouge, une nébuleuse écarlate. Elle ne l’entend plus, ses oreilles bourdonnant des mots « casser », « abattre ».

Et, à propos d’abattre, c’est sur la belle tête de ce beau jeune homme qu’elle abat son magnifique tableau en mosaïque, cette explosion de couleurs vives, où prédomine maintenant un rouge flamboyant.

                                                                                                          


Meurtre à Bongoville

par Denis Leloup

 

 

Comme chaque jour ou presque, affalé sur le divan, il somnole devant la télé tout en sirotant son café postprandial.

Les programmes à cette heure-ci ne l’intéressent guère trop ; il s’agit juste d’une présence qui rend plus soutenable son indécrottable solitude. Il attend un de ses moments privilégiés de ses journées si monotones ; à savoir, le passage du facteur en vélomoteur.

Le bourdonnement de ce dernier le sort de sa torpeur et après avoir enfilé ses charentaises, il parvient à l’extérieur pour retirer de la boîte aux lettres son courrier journalier, de plus en plus en maigre.

Cependant, une enveloppe tapée à la machine attire tout de suite son attention. Penché sur son bureau, il s’empresse de l’ouvrir, armé de son unique coupe-papier, ramené il y a maintenant longtemps d’un voyage lointain.

« Elle a osé !» s’écrit-il intérieurement.

Une lettre anonyme rédigée grossièrement à l’aide de caractères alphabétiques prélevés sur des journaux à sensation car c’est écrit en gros dedans.

Cette lettre annonce :

« Marc est un gros porc à l’image de ses oreilles.

Il sera balancé aux gendarmes. ».

 

Son sang ne fit qu’un tour. Il sait où la trouver à cette heure-là. Il glisse machinalement comme il le fait d’habitude, son coupe-papier préféré dans la poche droite de son pantalon de velours côtelé et se précipite aussitôt dehors en direction du foirail situé dans le centre-bourg.

 

Tout en marchant le plus vite qu’il peut malgré la jambe qu’il traîne, il réfléchit instinctivement.

Pour mettre fin à ce cauchemar, il doit se débarrasser d’elle. Il sait qu’il peut la croiser à tout moment lorsqu’elle vient prendre son service au café des Sports.

Il décide alors de lui tendre un traquenard. Il la convoquera ce soir chez lui, dans sa bâtisse isolée. « Bongo », le coupe-papier fétiche à qui il a donné ce nom, lui permettra de lui percer le cœur afin qu’elle expire son dernier souffle. Ensuite, sur son établi, il se chargera de décoller la tête du tronc comme il l’a lu dans « American Psycho ».

Cette tête sanguinolente, il ira la déposer nuitamment près de la fontaine, sûr et certain que personne ne le verra et surtout, persuadé que les soupçons se porteront immédiatement sur la famille afghane de refugiés récemment installée à l’écart du bourg… »

 

 


Elle s’appelle Véronique

par Marie-Claude Darrigade

 

Elle s’appelle Véronique. La femme âgée, coiffée d’un fichu qui travaille aux champs, n’a plus rien de commun avec celle de ses vingt ans. Elle a quitté toute féminité depuis des années. Son mari le lui a bien reproché.

 

Elle est engagée depuis deux mois pour la saison des asperges. Elle travaille durement, tant et si bien qu’elle finit par entrer dans la maison. Tout y est resté figé dans le temps. Elle ne doit pas se dévoiler et se conduire comme si elle connaît déjà les lieux. Tout lui rappelle son passé mais elle doit garder un visage de cire.

De l’entretien de la maison, elle finit par franchir la porte de la cuisine. Laura est devenue la cuisinière en chef. Malheureusement, Georgette est morte. Au début, elle a un pincement au cœur regrettant de ne pas assouvir sa vengeance totalement. Mais bon ! Il lui reste le violeur, l’autre, la bête immonde. Il avait réussi à embobiner Georgette qui avait pris son parti pour plaire à la douairière. La nausée la reprend, comme à chaque fois qu’elle se rappelle.

 

Aujourd’hui, elle doit aller au potager pour préparer le repas du soir. Sur le chemin, elle repère de la digitale pourpre. Elle en prend deux tiges. Elle a lu qu’il en fallait au moins quarante grammes. Le soleil brille.

« C’est un bon jour pour passer l’arme à gauche » se dit-elle. Elle doit s’assurer que personne d’autre ne mange la préparation.

 

D’un pas vif, elle revient au château. C’est le jour de congé de Laura et elle la remplace. Elle coupe les légumes en dés. La digitale ainsi réduite ressemble à des bouts de haricots verts. Cela fait des années qu’elle mûrit son plan.

Tout s’est passé ici, dans la cuisine. Les images sont aussi claires que le premier jour. Elle entend ses mots, a encore les relents de son parfum, de ses mains fouillant son sexe. Tout tournoie dans sa tête, elle en devient folle. Elle repense à son mari, homme bon et doux qui a su l’apaiser pendant des années. Mais voilà ! Simon est parti et ses démons l’ont repris.

 

Elle met le potage à cuire. Il le mange ce soir. Il aura toute la nuit pour agoniser. Un sourire mauvais se dessine sur ses lèvres. Elle a pris soin de faire revenir les légumes dans la poêle en fonte, la préférée de Georgette.

« Ah ! Je t’ai bien eu, vieille peau ! »

 

Elle refait dans sa tête le scénario du soir. Elle agit comme Laura, met le couvert, le vin, le pain, le dessous de plat. Elle s’avance vers l’autre et pose la soupière sur le dessous de plat. Elle repart par le même chemin.

Combien de temps cela prendrait-il ? Il ne faudrait pas que ce soit trop rapide, qu’il ait le temps de partir se coucher.

« Peut-être que je dois faire une crème où j’en rajouterai »

Elle se ravise. Le soir, il mange un bout de fromage.

 

A six heures, elle met le couvert. A six heures et demie, il s’assoit, se sert un verre et une bonne louche de soupe.

« Hum, elle est bonne » lui dit-il.

« Merci » répond-elle.

Au fond d’elle, elle jubile : « Mange, gros porc, c’est bon pour toi ! »

Le lendemain matin, on retrouve son corps. Il a vomi son repas. Comme il a déjà eu des problèmes cardiaques, on en déduit que son cœur a lâché suite aux efforts des vomissements. L’enquête est close en peu de temps. Pas d’héritier à l’horizon qui ont pu lui en vouloir.

 

Véronique quitte la propriété et trouve un nouveau travail, le cœur libre, avec le sentiment du devoir accompli.

 

 

Jacques et Alexandra sont à table

par Jean-Charles Duhau

 

Jacques et Alexandra sont à table, ils sont en train de prendre l’apéro, Margarita, cous de canard, une spécialité de Jacques qui est en train de se dire, c’est peut-être le jour, si la soirée ne dégénère pas, on va faire l’amour, je casse le bocal de cous, je récupère un morceau de verre bien tranchant et hop sur la cuisse d’Alexandra. Il avait vu le compte rendu d’un fait divers dans le Sud-Ouest, un cambrioleur, après avoir opéré son forfait en escaladant le mur de clôture de la maison pour s’enfuir, s’était blessé à la cuisse avec un tesson sur le mur, il était mort sur le trottoir vidé de son sang. C’est cette anecdote qui avait donné l’idée à Jacques de faire cette mise en scène.

 

De son côté Alexandra cogite, c’est peut-être le jour de me débarrasser de lui. Elle réfléchit à toute vitesse si elle veut le faire, il lui faut une bonne idée. Elle sait comment elle va faire, elle connaissait une anecdote sur un cambrioleur mort sur le trottoir après avoir cambriolé une maison, la fémorale sectionnée après s’être blessé avec un tesson de bouteille fixé sur le mur de la maison qu’il venait de cambrioler, l’anecdote du cambrioleur, ils en avaient parlé ensemble quand cette histoire était publiée dans le Sud-Ouest ; l’idée lui paraît très bonne, il lui faut quelque chose de plus. Tout d’un coup ça y est, l’idée arrive. Elle se lève va dans la salle de bain prend 3 cachets de stilnox, les écrase pour en faire une pâte assez compacte, elle retourne à la cuisine dans laquelle est Jacques, elle lui prépare un toast de cous de canard, elle arrive à mettre la pâte de stilnox dessus, une fine couche de rillettes de canard sur la pâte de stilnox, elle le tend à Jacques qui le dévore avec gourmandise après lui avoir dit :

— Tu m’as gâté avec ce toast, il est comme je les aime, il y a autant de viande que de pain.

Alexandra n’a plus maintenant qu’à attendre que le somnifère fasse son effet, un peu plus d’alcool pour potentialiser l’effet du médicament et tout ira bien, je vais être débarrassée de cet encombrant.

 

Ils sont toujours dans la cuisine, Alexandra se fait câline, elle s’approche de Jacques, lui mordille l’oreille, passe sa main sur sa cuisse puis sur sa braguette, il commence à ressentir cette chaleur qui monte du plus profond de lui-même. Il se dit c’est sans doute le moment, si elle continue comme ça on va faire l’amour dans la cuisine, à notre âge c’est pas banal. Il se dit :

 

— J’y vais, c’est le moment.

 

Il fait un faux mouvement, il renverse le bocal de cous de canard qui se brise sur le carrelage, c’est un signe du destin, il se baisse pour attraper un morceau de verre comme s’il voulait débarrasser le sol de tous les morceaux, il prend le 1er morceau, il a l’air bien tranchant, il le pose sur le comptoir à côté de lui. Il se rapproche d’Alexandra, passe sa main sur sa poitrine, ensuite passe sa main sous sa robe, remonte le long de sa cuisse, Alexandre glousse, il est content, il va y arriver, il baisse sa culotte, il ressent tout à coup sa tête très lourde, Alexandra ne l’aide en rien, elle est lourde sa tête, de plus en plus lourde. Jacques regarde Alexandra, il voit de la malice dans ses yeux et un petit sourire narquois sur sa bouche. Il a mal, il se sent de plus en plus faible. Il ne comprend pas, il y est presque son morceau de verre à côté de lui. Alexandra se rapproche un peu plus, elle l’aide à enlever son pantalon, il est en caleçon devant elle, elle sans culotte, mais il est de plus en plus mal. Il a l’impression qu’il va tomber et ce sourire d’Alexandra, ce sourire diabolique. Tout d’un coup il a une fulgurance, il prend le tesson de bouteille dans sa main et si c’est elle qui lui a mis un produit dans le toast, ce n’est pas possible, il n’a pas le temps de penser à autre chose, il s’écroule aux pied d’Alexandra. Alexandra ne perd pas le nord, elle saisit le morceau du bocal avec un chiffon, de manière à ne pas laisser ses empreintes sur le morceau de verre. Jacques est prêt, elle l’allonge bien comme il faut de manière à ce que l’intérieur de sa cuisse soit accessible facilement, elle prend le morceau de verre et d’un coup d’un seul, elle tranche l’intérieur de la cuisse de Jacques, elle a eu la fémorale, elle est bien sectionnée, le sang gicle, il ne s’est même pas vu mourir, le pauvre.

 

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